D'après « Mémoires de la duchesse d'Abrantès », paru en 1831
Le célèbre Buffon prétendait que les femmes pouvaient bien avoir des envies, mais que jamais ces envies ne laissaient de traces, écrit dans ses Mémoires la mémorialiste Laure Permon plus connue sous le nom de duchesse d'Abrantès. Mon oncle (Pierre-François Bienaimé, évêque de Metz), poursuit-elle, prétendait le contraire, parce que les exemples qu'il avait vus le rendaient crédule.
La discussion s'engagea. La pauvre Mme de Buffon fut le martyr destiné à vérifier le fait. Elle était grosse, rapporte encore la duchesse, et depuis quelques jours témoignait un vif désir de manger des fraises. Ce n'était pas la saison. Les belles serres chaudes de Montbard en contenaient plusieurs plates-bandes, mais encore vertes, et Mme de Buffon guettait le moment de leur première rougeur pour les piller.
Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon
— Pardieu, l'abbé, dit M. de Buffon, nous verrons qui de nous deux a raison.
Et le lendemain la serre est fermée, les ordres les plus sévères sont donnés au jardinier, et la pauvre gourmande est condamnée à venir chaque jour contempler les plates-bandes verdoyantes sur lesquelles se détachait le fruit que chaque jour aussi rendait plus vermeil.
Plus tard, Mme de Buffon accoucha d'un enfant ayant une belle fraise sur la paupière gauche ! Et l'oncle de la duchesse d'Abrantès d'affirmer que le naturaliste se trouva peiné d'avoir là, devant lui, une preuve vivante d'une erreur écrite, imprimée...