Dans l'histoire littéraire, le fait d’appliquer des couleurs à des sentiments et autres choses abstraites n’est pas rare. On connaît la Symphonie en blanc majeur de Théophile Gautier (elle se trouve dans le volume Émaux et Camées) ; Léon Gozlan (1803-1866) a écrit, sur ce même sujet, une page caractéristique (reproduite dans la revue Le Penseur, janvier 1913) : « Comme je suis un peu fou, j'ai toujours rapporté, je ne sais trop pourquoi, à une couleur ou à une nuance les sensations diverses que j'éprouve. Ainsi, pour moi, la pitié est bleu tendre, la résignation est gris-perle, la joie est vert-pomme, la satiété est café-au-lait, le plaisir rose velouté, le sommeil est fumée-de-tabac, la réflexion est orange, la douleur est couleur de suie, l’ennui est chocolat.
La pensée pénible d'avoir un billet à payer est mine-de-plomb, l’argent à recevoir est rouge chatoyant ou diablotin. Le jour du terme est couleur de Sienne. Aller à un premier rendez-vous, couleur thé léger ; à un vingtième, thé chargé. Quant au bonheur... couleur que je ne connais pas ! »
Et les couleurs appliquées aux prénoms féminins, système imaginé par l'humoriste Ernest d'Hervilly (1839-1911) : les noms blancs très purs sont : Bérénice, Marie, Claire, Ophélie, Iseult. Le rose vif est évoqué par Rose (naturellement !), Colette, Madeleine, Gilberte. Le gris est fourni par Jeanne, Gabrielle, Germaine. Le bleu tendre serait Céline, Virginie, Léonie, Élise. Le noir absolu serait Lucrèce, Diane, Rachel, Irène, Rébecca. Le jaune violent n'apparaît qu'aux noms de Pulchérie, Gertrude, Léocadie. Ernest d'Hervilly affirmait, en outre, qu'Hélène est gris-perle, et qu'Adrienne, Ernestine et Fanchette doivent être rangées dans la catégorie des prénoms qui rappelle un semis de fleurs sur une étoffe blanche.