D'après « Bibliothèque de l'École des chartes », paru en1882
Une lettre de rémission pour une femme accusée de sorcellerie, nous fournit de précieux renseignements quant à de curieux ingrédients utilisés par elle. Pour regagner l'amour de son mari, pour améliorer son sort, elle avait eu recours à des conjurations que lui avait enseignées quelques commères du voisinage.
Les moyens ainsi mis en œuvre par Guillemette la Tubée n'ont pas encore été signalés par des écrivains comme Del Rio, pourtant le plus complet de tous en la matière, dans ses Disquisitiones magicae (1606). La première conjuration, faite au moyen d'ossements humains dérobés au charnier des Innocents, n'a rien que d'ordinaire ; de tout temps les débris humains ont tenu une grande place dans la magie. Guillemette reconnaît d'ailleurs que ce premier essai ne lui servit pas à grand-chose et que son mari n'en fut pas plus empressé.
Le second moyen auquel elle eut recours, l'emploi du sel mêlé à la salive et jeté au feu, n'est mentionné ni par Del Rio, ni par Celio Calcagnini, dont le petit traité De magia amatoria (1544) est un résumé de tout ce que les auteurs anciens ont dit sur la matière. Del Rio dit bien quelque part que le sel sert parfois pour connaître l'issue d'une maladie, mais il ne le mentionne pas dans le chapitre de son livre consacré aux philtres d'amour ; omission regrettable à coup sûr, car Guillemette affirme que cette seconde conjuration eut tout le succès désirable.
Cet heureux succès l'engagea à recourir encore à la magie dans une autre circonstance : pour s'assurer un sort plus heureux, elle se procura, toujours par le conseil de ses bonnes voisines, les deux pattes droites ďune taupe, qu'elle porta quelque temps sur elle ; Del Rio ne mentionne pas cette amulette d'une nouvelle espèce. Ceci dit, un objet quelconque, pourvu qu'il fût bizarre, pouvait servir d'amulette. Remarquons enfin que, quel que soit l'objet en usage, la magie du Moyen Age est toujours la magie antique ; dans ces conjurations, le feu joue le même rôle au temps de Virgile et au XIVe siècle de notre ère.