D’après « Revue d’histoire de la pharmacie », paru en 1956
On peut lire dans Les Rêveries du promeneur solitaire, Septième Promenade, de Rousseau, que les « idées « médicinales ne sont assurément guère propres à rendre agréable l'étude de la botanique ; elles flétrissent l'émail des prés, l'éclat des fleurs, dessèchent la fraîcheur des bocages, rendent la verdure et les ombrages insipides et dégoûtants ». Plus loin : « Toute cette pharmacie ne souillait point mes images champêtres ; rien n'en était plus éloigné que des tisanes et des emplâtres. »
Plus loin encore : « Je sens même que le plaisir que je prends à parcourir les bocages serait empoisonné par le sentiment des infirmités humaines s'il me laissait penser à la fièvre, à la pierre, à la goutte et au mal caduc. (...) Du reste, je ne disputerai point aux végétaux les grandes vertus qu'on leur attribue ; je dirai seulement qu'en supposant ces vertus réelles, c'est malice pure aux malades de continuer à l'être ; car, de tant de maladies que les hommes se donnent, il n'y en a pas une seule dont vingt herbes ne guérissent radicalement. »
On pourrait penser, en lisant ces quelques réflexions, à « l'ironie fanfaronne du bien-portant ». Mais le scepticisme de Jean-Jacques Rousseau vis-à-vis de la médecine et de la pharmacie (scepticisme bien fréquent d'ailleurs, chez beaucoup de grands noms de la littérature française) s'explique mieux sans doute par l'impuissance de la thérapeutique vis-à-vis de ses propres souffrances, puisqu'il fut lui-même un grand malade tout au long de sa vie. Pourtant, sa façon de voir la nature, — souillée par la pharmacie — , ne manque pas d'originalité.