En 1767, une affaire fit rire tout Paris aux dépens d’un commissaire de police trop zélé. L’aventure est rapportée en ces termes dans les Mémoires secrets de Bachaumont :
« Un particulier venant du grand Caire a rapporté une momie, comme objet de curiosité pour orner un cabinet. Passant par Fontainebleau, il a pris le coche d'eau de la cour pour se rendre à Paris. Mais, par oubli, en faisant emporter ses bagages, il a laissé la boîte qui contenait la momie. Les commis l'ont ouverte, ont cru y voir un jeune homme étouffé à dessein, ont requis un commissaire, qui s'est rendu sur les lieux, avec un chirurgien aussi ignorant que lui.
« Ils ont dressé un procès-verbal et ordonné que le cadavre serait porté à la Morgue pour y être exposé et reconnu par ses parents ou autres, et qu'on informerait contre les auteurs du meurtre. Cela a excité une grande rumeur dans le peuple, indigné de l'atrocité du crime dont on l'a instruit, et sur lequel on a forgé cent conjectures plus criminelles les unes que les autres.
« Le propriétaire de la momie, s'étant aperçu de son étourderie, est retourné au coche réclamer sa boîte. On l'y a arrêté, on l'a conduit chez le commissaire, qu'il a rendu bien honteux en lui démontrant sa bévue, son ignorance et celle du chirurgien. Pour retirer de la Morgue le cadavre prétendu, il a fallu se pourvoir par-devant M. le lieutenant-criminel ; ce qui a rendu très publique cette histoire, qui fait l'entretien de la cour et de la ville. »
Illustration : Grand Châtelet de Paris, qui abritait la Morgue jusqu'au début du XIXe siècle