D'après « Memoires, souvenirs, oeuvres et portraits » (Tome 3) par Alissan de Chazet, paru en 1837
Quelque temps avant le 18 brumaire (9 novembre 1799), Bonaparte se trouvait à Morfontaine chez son frère Joseph. Le comte Regnaud de Saint-Jean-d’Angély vint le voir ; le général, qui roulait déjà dans sa tête le projet de renverser le Directoire, proposa à Regnaud une promenade équestre.
Comme ils revenaient à toute bride à travers les rochers, le cheval de Bonaparte rencontre une pierre que le sable recouvrait ; le coursier s’abat, et le cavalier se trouve lancé, avec une extrême violence, à douze ou quinze pas de sa monture. Regnaud, descendu de cheval, court au général, et le trouve sans connaissance ; il ne respirait plus ; il le croit mort.
Portrait de Bonaparte
Son évanouissement ne dura que quelques minutes. « Quelle peut vous m’avez faite, général ; je vous ai cru tué ! — Voilà, répondit philosophiquement Bonaparte, à quoi tiennent les plus grands desseins ! Tous nos projets ont failli se briser contre une petite pierre ! »
Il répétait souvent : « Une petite pierre a failli changer le sort du monde ! » ce qui évoque le mot de Pascal : « Cromwell allait ravager toute la chrétienté : la famille royale était perdue, et la sienne à jamais puissante, sans un petite grain de sable qui se met dans son urètre. Rome même allait trembler sous lui ; mais ce petit gravier, qui n'était rien ailleurs, mis en cet endroit, le voilà mort, sa famille abaissée, et le roi rétabli. » Mais Cromwell est mort d'une fièvre, et non de la pierre ni de la gravelle.