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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Bulletin de la Société préhistorique française », paru en 1918

 

Une très vieille coutume nuptiale du Vaucluse encore en usage au début du XXe siècle veut qu'au milieu de la première nuit, les jeunes gens de la noce (frères, beaux-frères, cousins), las de danser, se mettent à la recherche des époux, les découvrent dans la chambre où les novi – nouveaux mariés – ont dressé de vaines barricades, et les obligent à se lever.

 

Puis, ils s'emparent de la mariée et l'emmènent dans la salle du festin, qui est en même temps la cuisine. Ils couchent à plat ventre la jeune femme dans une grande nappe tenue aux quatre coins par quatre d'entre eux, et, ainsi suspendue, la tête et les pieds seulement dépassant les extrémités de la toile, ils la balancent devant le feu qui flambe à l'âtre et qu'elle doit souffler. Ce n'est que lorsqu'elle s'est longtemps époumonée à « souffler la soupe au fromage » – qui, en effet, bout sur le feu – qu'ils consentent à la laisser aller. Peut-être l'antique Culte du Feu fécondant explique-t-il ce rite.

 

Costumes-Vaucluse.jpg

 

Dans le Gard, il prend une autre forme. Les novi tiennent toujours secrète la chambre dans laquelle ils passeront leur première nuit ; aussi sont-ils espionnés toute la soirée ! Les ruses les plus naïves sont mises œuvre, afin qu'ils puissent quitter soit le repas de noce, soit le bal, sans être remarqués. Sur les minuit, le bal cesse et la recherche de la chambre nuptiale commence.

 

Portes et fenêtres sont enfoncées, si le couple une fois découvert refuse d'ouvrir. On leur apporte l'Aïga boulida – signifiant eau bouillie, en réalité une soupe faite de quelques tranches de pain, arrosées d'huile d'olive, le tout trempé d'eau bouillante, dans laquelle ont été mises plusieurs gousses d'ail – ou une tasse de café. Pendant cette légère collation, les jeunes gens, prenant leurs cavalières à bras le corps, les jettent sur le lit nuptial.

 

Pour ne pas faire partie intégrale du rite, un malin trouve intéressant d'éteindre les lumières et la scène finit au milieu de la gaieté générale. Se tirer de l'Aïga boulida aurait été prise en fort mauvaise part au milieu du XIXe siècle. La désertion était réprouvée ; mais les ruses pour s'y soustraire étaient acceptées et méritaient félicitations. De rares indépendants ne craignaient pas d'aller passer leur première nuit au grenier à foin, ou les fureteurs les plus perspicaces ne pensaient pas aller les dénicher !

 

Illustration : Costumes folkloriques du Vaucluse

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 17:00

D'après « Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie », paru en 1921

 

Le miel fut la première des friandises que connurent les humains et l'hydromel vineux, leur première boisson fermentée. Pline (livre XIV, ch. XVII), dont la Naturalis historia est une véritable encyclopédie, donne les recettes suivantes de l'hydromel : ajoutez à de l'eau de pluie bouillante le tiers de son poids de miel, puis laissez fermenter au soleil à l'époque de la canicule pendant dix jours. Dans un autre passage de son livre (livre XXII, chapitre XXIV), il distingue cette liqueur, qui est de garde, de l'hydromel non fermenté, qui doit être consommé rapidement. Cette distinction se retrouve dans le Codex medicamentarius de 1818 ; seulement, pour faire l'hydromel vinosum, il ajoute à l'eau miellée de la levure de bière.

 

Hydromel.jpgL'hydromel vineux de Metz jouissait d'une grande réputation au XVIIIe siècle : d'après le Dictionnaire de l'industrie (1776), on en faisait « de grands envois jusqu'au delà des mers ». Cette vogue paraît avoir été ignorée de Le Grand d'Aussy, qui, dans son Histoire de la vie privée des Français (1782), a mentionné quelques-uns des produits alimentaires les plus réputés de la ville de Metz : cuisses et ailes d'oie « préparées avec un art particulier », foies gras, « très bonnes confitures qui se transportent dans le royaume et par toute l'Europe », etc.; mais l'Encyclopédie méthodique a réparé cet oubli en consacrant à l'hydromel vineux de Metz un article dans sa section des Arts et métiers mécaniques (1789). Voici la recette donnée par le Dictionnaire de l'industrie :

 

« Il est quelquefois facile à un homme qui vit à la campagne de se procurer à peu de frais des choses que l'on fait payer très cher à la ville. L'hydromel vineux de Metz, qui est en si grande réputation, et dont on fait de si grands envois jusqu'au delà des mers est dans ce cas là : rien de plus facile que d'en faire. Cette excellente liqueur se fait simplement avec du miel et de l'eau. On clarifie d'abord le miel, en y jetant des blancs d'œufs avec leurs coquilles, puis en le mettant sur le feu et le faisant bouillir jusqu'à ce qu'il soit parfaitement écumé : on a ensuite une grande chaudière, et sur une mesure de miel, on met quatre mesures d'eau ; on fait bouillir le tout à un feu clair et à grand bouillon, jusqu'à ce que la liqueur soit diminuée d'un cinquième.

 

« On entonne l'hydromel pour le faire venir à la fermentation vineuse ; c'est pourquoi on place le tonneau au soleil sans être bondonné, mais recouvert seulement, à la place du bondon, d'une tuile plate. Comme la chaleur est nécessaire pour la fermentation de l'hydromel, la saison pour le faire est le commencement de juin, parce que la chaleur est alors très grande. Un point essentiel pour bien réussir est d'arrêter la fermentation à propos, avant que la liqueur passe à l'acide. Cette liqueur devient d'autant meilleure qu'elle est gardée plus longtemps ; conservée pendant dix ans, elle est des plus exquises que l'on puisse boire ».

 

Illustration : Crédit photo http://thebinouzesblog.wordpress.com

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24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 17:00

D'après « La nuit de Noël dans tous les pays », paru en 1912

 

Dans un grand nombre de provinces, les animaux eux-mêmes faisaient jadis réveillon. En Berry, les animaux de la ferme, à l'issue de la Messe de minuit, reçoivent une provende extraordinaire du meilleur fourrage. Il en est ainsi en Lorraine et dans le pays bisontin.

 

Creche.jpgDans un village voisin de Besançon, à Mamirolle, au début du XXe siècle, un cultivateur qui n'avait aucune religion se levait avec grande diligence, pour conduire son bétail à l'abreuvoir public, tout au sortir de la Messe de minuit. Il fallait, disait-il, que ses animaux eussent la première eau de Noël. Cette habitude superstitieuse a quelque chose de bien poétique et n'est que l'application abusive d'une idée admirable du Mystère de Noël.

 

Voici un siècle encore, dans certaines paroisses perdues des montagnes de l'Auvergne, à l'occasion de Noël, tous les animaux participent aux réjouissances communes ; il n'est pas une tourterelle ni un pigeon qui ne fasse réveillon. Le même usage existe en Bretagne. Au retour de la Messe de minuit, on donne à tous les animaux une botte du meilleur foin qui se trouve à l'étable. Les paysans bretons (de Bignan, au diocèse de Vannes) pensent qu'il est convenable que les animaux eux-mêmes participent â la joie universelle, la nuit de Noël, en mémoire de la place que Dieu leur assigna, d'après la tradition, dans l'étable de Bethléem, au moment de la Nativité.

 

En Touraine, dans plusieurs villages, la Messe de minuit terminée, chacun regagne sa demeure. Mais avant l'aller prendre sa part au gai repas du réveillon, le maître de la maison passe d'abord à l'étable. En souvenir des deux animaux qui, de leur tiède haleine, ont échauffé les membres tremblants du Sauveur-Enfant, il donne à chacun de ses animaux domestiques une double ration. C'est leur réveillon à eux.

 

Le poète qui a si bien chanté le réveillon des oiseaux devait aussi chanter le réveillon des animaux ; il l'a fait sous ce titre gracieux :

 

La gerbe de Noël

 

Dans les nombreux pays où la sainte croyance

Vit encor dans le cœur du campagnard heureux,

A l'heure où de Jésus on chante la naissance,

On observe un usage aussi bon que pieux.

 

La venue ici-bas de cet Enfant aimable

Mit en liesse la terre, aux chants du Paradis ;

De même le croyant s'en va dans son étable

Réjouir son bétail, ses agneaux, ses brebis.

 

Il donne à l'âne, au boeuf, une exquise provende,

Aux chèvres, aux moutons, ou du sucre ou du sel :

Car tout être vivant doit, suivant la légende,

Faire son réveillon dans la nuit de Noël.

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23 décembre 2011 5 23 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Annuaire de l'École pratique des hautes études, Section des sciences historiques et philologiques », paru en 1919

 

Sport parmi les plus populaires de l'ancienne France, le jeu de la soule met en scène une boule ou ballon, tantôt en bois, tantôt en cuir, suivant les régions, rempli dans ce dernier cas, de foin, de son ou de mousse, ou gonflé d'air, la soule. On chassait ce ballon à grands coups de poing, ou grands coups de pied, parfois à coups de bâton recourbé »

 

Quant à l'étymologie du mot soule, Antoine Thomas explique dans Mélanges d'étymologie française que « dans le Roman de Renart, le mot coule doit être prononcé avec un ç. Il s'agit du jeu encore populaire dans quelques-unes de nos provinces, le jeu de la choule, comme on dit en Picardie et dans le ressort, le jeu de la soule, comme on dit en Bretagne. L'ancienne graphie coule (prononcez çoule) concorde avec la forme picarde choule (...).Il nous faut un type primitif commençant par ce ou ci, sans, doute quelque chose comme ciulla, dont nos successeurs en philologie française nous révéleront quelque jour le mystère ».

 

Il n'y a plus de mystère aux yeux de notre auteur : le type postulé est l'ancien haut-allemand kiulla (variantes : chiulla et kiula), que d'anciennes gloses nous donnent comme ayant le sens des mots latins pera, sacciperium ou sitarcia, c'est-à-dire panetière, besace. Il paraît certain que le sens primitif est objet arrondi. Kluge admet que le mot allemand keule (massue), forme moderne sortie du moyen-allemand kiule (donc identique à l'ancien haut-allemand kiula, variante de kiulla), est de la même famille que kugel, « boule » et « balle », et qu'il signifie proprement « bâton, dont l'extrémité est en forme de boule ».

 

Jeu-Soule.jpg

 

D'autre part, Walde admet, que le latin vola, « creux de la main (paume) et de la plante du pied », appartient à la même famille, à laquelle il assigne une racine gen, et où il énumère les mots suivants : un mot grec signifiant sac de soldat ; un autre, kiulla, de l'ancien haut-allemand et signifiant poche, sac ; ou encore un autre, kula, de l'ancien islandais et signifiant tumeur, nœud, boule, etc. La concavité et la convexité sont des notions qui se substituent facilement l'une à l'autre.

 

Au point de vue phonétique, il n'y a pas de difficulté à admettre que le k germanique suivi d'un i (ou d'un e) se soit confondu, dans son évolution, avec le g latin devant les mêmes voyelles, puisque l'on reconnaît aujourd'hui, avec Gaston Paris, que le c latin a gardé sa prononciation explosive, même devant ces voyelles, au moins jusqu'au VIe siècle. Il serait plus correct d'écrire, en français propre, çoule que soule, comme nous écrivons ça (du latin vulgaire ecciac, pour ecce-hac) ; mais c'est un détail sans grande importance puisque nous écrivons massue (au lieu de maçue), sangle (au lieu de çangle, primitivement cengle) et souche (au, lieu de çouche ; cf. le picard chouque).

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22 décembre 2011 4 22 /12 /décembre /2011 17:40

D'après « Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie », paru en 1929

 

Au nombre des fameuses énumérations qui rendent si pittoresque les récits fantaisistes de Rabelais, figure, au chapitre XXLX du 5e livre, une liste de mets aphrodisiaques qui a attiré l'attention du Dr P. Albarel, collaborateur de La Chronique médicale. Voici le passage :

 

Phaseolus.jpgLe frère Fredon ayant raconté à Panurge que le mois de mars est celui qui porte le plus les bons moines à la « ruffiennerie », Pantagruel observe qu' « il est tousjours en quaresme, lequel a esté institué pour macérer la chair, mortifier les appétits sensuels et resserrer les furies vénériennes. – En ce, dist Epistemon, pouvez-vous juger de quel sens estoit celuy pape qui premier l'institua, que ceste vilaine savatte de Fredon confesse soy n'estre jamais plus embrené en paillardise qu'en la saison de quaresme : aussi pour les évidentes raisons produites de tous bons sçavans médecins, affermans en tout le decours de l'année n'estre viandes mangées plus excitantes la personne à lubricité qu'en cestuy temps : febves, pois, phaseols, chiches, oignons, noix, huytres, harans, saleures, garous, salades toutes composées d'herbes vénériques comme éruce, nasitard, targon, cresson, berle, response, pavot cornu, houbelon, figues, riz, raisins. »

 

Les auteurs anciens qui, en botanique, ont été évidemment les maîtres de Rabelais, sont muets sur les vertus aphrodisiaques des fèves et des pois. Le Dr Albarel pense que c'est par analogie avec les phaseols ou haricots que Rabelais les a compris dans sa liste. En effet Matthioli, le commentateur de Dioscoride, affirme que les phaseols « incitent à luxure, principalement si on les mange avec poivre long, galanga et sucre. »

 

D'après Galien, on donnait des chiches (pois chiches) aux étalons : les anciens reconnaissaient donc leur pouvoir. Mais Albarel ne connaît pas de texte médical ancien justifiant la citation des oignons : signalons toutefois un passage de L'assemblée des femmes, où Aristophane fait donner à un de ses personnages le conseil d'absorber un plat d'oignons... Avicenne donne comme aphrodisiaque la noix de coco, mais non la noix commune. Les poissons salés, huytres, harans, saleures, garous ou garum (sorte de saumure qu'on utilisait comme condiment) ont toujours été considérés comme excitants. De même l'éruce ou roquette (eruca... conciliatrix Veneris, dit Pline l'Ancien).

 

Le nasitort est plus discuté ; quant au targon ou estragon, il n'a jamais eu la réputation d'inciter à la paillardise. Le riz est recommandé par Ambroise Paré contre l'impuissance, mais ni lui ni Matthioli ne préconisent les autres plantes ou fruits également cités : cresson, berle, responce, pavot cornu, houbelon, figues, raisins. En revanche, les auteurs anciens ou leurs commentateurs du XVIe siècle citent quantité d'autres végétaux aphrodisiaques qui ne figurent pas sur la liste en question.

 

Le Dr Albarel devrait conclure de tout cela que le médecin Rabelais connaissait bien mal sa botanique médicale. Par déférence sans doute, il ne l'a pas dit. Et bien lui en a pris, car Rabelais n'est pas l'auteur du 5e livre... de Rabelais, qui fut composé après sa mort, peut être avec l'aide de ses notes. Ainsi s'explique la nomenclature plutôt fantaisiste d'Epistemon.

 

Illustration : Phaseolus coccineus

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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Les Vies des dames galantes », paru en 1666

 

Dans Les vies des dames galantes paru en 1666, le célèbre chroniqueur Brantôme évoque l'existence d'un petit livret, rédigé en italien, et qui aurait consigné quelques « remèdes réfrigératifs » pour aider les veuves à vivre dans l'abstinence.

 

Luxure-Abstinence.jpg« Je m'estonne que ces femmes, qui sont si chaudes et promptes à se remarier, et mesmes aussi si suzannées, n'usent pour leur honneur de quelques remèdes réfrigératifs et potions tempérées, pour expeller toutes ces challeurs ; mais tant s'en faut qu'elles en veuillent user, qu'elles s'en aydent du tout de leur contraire et disent que telz potus réfrigératifs leur gasteroyent l'estomac.

 

« J'ai leu et veu un petit livret d'autresfois, en italien, sot pourtant, qui s'est voulu mesler d'en donner des receptes contre la luxure, et en met trente-deux. Mais elles sont si sottes, que je ne conseille point aux femmes d'en user, pour ne mettre leur corps à trop fascheuse subjection. Voilà pourquoi, je ne les ay mises icy par escrit.

 

« Pline en allègue une, de laquelle usoient, le temps passé, les vestales ; et les dames d'Athènes s'en servoient aussi durant les festes de la déesse Cérès, dites Tesmophoria, pour se refroidir et oster tout appétit chaud de l'amour – et par ce vouloient célébrer cette feste en plus grande chasteté, – qu'estoient des paillasses de feuilles d'arbre dit agnus castus. Mais pensez que durant la feste elles se chastroient de ceste façon, mais après, elles jettoient bien la paillasse au vent.

 

« J'ay veu un pareil arbre en une maison en Guyenne, d'une grande, honneste et très belle dame, et qui le monstroit souvent aux étrangers qui la venoient voir, par grande spéciauté ; et leur en disoit la propriété ; mais au diable si j'ay jamais veu ny ouy dire que femme ou dame en ait envoyé cueillir une seule branche, ny fait pas seulement un petit recoin de paillasse ; non pas mesme la dame propriétaire de l'arbre et du lieu, qui en eust pu disposer, comme il luy eust pleu. Ce fut esté aussi dommage ; car son mari ne s'en fût pas mieux trouvé : aussi qu'elle valoit bien qu'on la laissast se régler au cours de la nature ; tant elle estoit belle et agréable; et aussi qu'elle a fait une très belle lignée. »

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20 décembre 2011 2 20 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Annales de géographie », paru en1935

 

La presque totalité de la côte orientale du Groenland, en raison de sa difficulté d'accès, était presque inconnue en dehors de la zone du 69e au 72e degré, dont Scoresby avait levé la carte en 1822, quand, en 1833, le lieutenant de vaisseau Jules Poret de Blosseville, commandant le petit brick-canonnière La Lilloise, chargé de la police des marins français sur les champs de pêche d'Islande, y entreprit ce qu'on pourrait appeler une héroïque escapade scientifique.

 

Jules-de-Blosseville.jpgNé en 1802 à Rouen, de Blosseville avait été membre de l'expédition de Duperroy et Dumont d'Urville autour du monde, sur La Coquille, de 1822 à 1825. Ses sondages, levés de plans des côtes, observations d'histoire naturelle avaient attiré l'attention d'Arago, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire ; et en 1827 Arago l'avait chargé de travaux sur le magnétisme terrestre, de sondages à grande profondeur et d'études des courants à bord de La Chevrette qui partait pour l'Inde et la Chine. Mais le jeune officier ne put obtenir l'organisation d'une expédition polaire que lui suggéraient les voyages de Ross et de Parry ; il dut se contenter du commandement de La Lilloise et de la mission de faire en Islande des observations magnétiques pour l'Académie des Sciences.

 

Ne pouvant résister à l'attirance du Groenland, bien que son brick fût trop haut de voilure pour son tonnage et ne convînt nullement à la navigation dans les glaces, il partit d'Islande le 29 juillet 1833, pour reconnaître la côte inexplorée au Sud de la partie étudiée par Scoresby. Il observa et dessina de hautes montagnes littorales, et en marqua l'emplacement sur une carte dressée du large, donnant des noms français aux découpures de la côte : baie d'Aunay, cap Daussy, cap Grivel, ainsi qu'à un sommet : le mont Rigny. Évitant sagement de s'engager dans les glaces, il revint le 5 août en Islande d'où il envoya ses notes, cartes et dessins à son frère.

 

Mais, espérant faire mieux, il repartit le lendemain pour le Groenland. La Lilloise, avec les 75 hommes qu'elle portait, ne reparut jamais plus, et les recherches des années suivantes n'en firent pas retrouver le moindre vestige. Ce ne fut qu'en 1900 qu'une expédition du danois Amdrup, alors lieutenant de vaisseau, explora du cap Dalton à Angmagsalik cette partie de la côte de la Terre du roi Christian IX. Amdrup en dressa la première carte complète, y conserva les noms français donnés par Blosseville et attribua à la côte elle-même le nom, qui fut ensuite officiellement confirmé, de «Terre de Blosseville », Et Amdrup (qui compte des Français parmi ses ancêtres) hissa sur la côte, en l'honneur de son premier découvreur, le pavillon français auprès du Danebrog.

 

Illustration : Jules Poret de Blosseville

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Revue d'histoire de la pharmacie », paru en 1931

 

Fait peu banal, le chloroforme surgit à la fois dans deux laboratoires différents assez distants l'un de l'autre. Tandis que le Français Eugène Soubeiran recueillait à Paris du chloroforme en mettant du chlorure de chaux en contact avec de l'alcool et distillant le mélange, le grand chimiste Allemand, Liebig, obtenait, à Giessen, le même corps en traitant le chloral par les alcalis.

 

Pour étrange que soit cette coïncidence, elle est incontestable : des deux côtés du Rhin, on est d'accord pour la reconnaître. D'ailleurs, le même numéro des Annales de chimie et de physique portant la date d'octobre 1831 contient un mémoire de Soubeiran ayant pour titre : Recherches sur quelques combinaisons du chlore et une lettre de Liebig à Gay-Lussac lui exposant le résultat de ses expériences.

 

Eugene-Soubeiran.jpgDétail curieux, ni Soubeiran, ni Liebig, n'ont compris ce qu'était le nouveau produit. Le premier le prit pour un composé de chlore et d'hydrogène bicarboné, le second pour un chlorure de carbone. C'est Dumas qui, quelques années plus tard, découvrit sa constitution, ses propriétés chimiques et lui donna le nom qu'il porte encore aujourd'hui. Et c'est encore beaucoup plus tard que le chloroforme fut découvert à son tour par la médecine.

 

Tout le monde connaît Liebig. Soubeiran a laissé moins de souvenirs. C'était cependant un grand chimiste. Né à Paris le 24 mai 1797, d'une vieille famille de protestants Cévenols, Soubeiran eut une jeunesse et surtout une éducation mouvementées par suite de la déconfiture de son père, agent de change à Paris. Ce malheur eut pourtant une heureuse contrepartie : en effet, le père Soubeiran, ruiné, organisa, pour faire vivre les siens, un petit atelier de filature et de blanchissage dans la banlieue Parisienne, à Houilles. Le jeune Soubeiran s'intéressa beaucoup aux opérations du blanchiment et bientôt il allait étudier la chimie et la pharmacie à Montpellier, où il fut blessé au cours d'une émeute en 1815.

 

Revenu à Paris, il devenait successivement interne des hôpitaux, puis pharmacien en chef de la Pitié et professeur adjoint à l'Ecole de Pharmacie. En 1832, il était appelé à la direction de la Pharmacie Centrale de l'Assistance Publique, à Paris, et, en 1853, il succédait à Orfila, dans la chaire de pharmacie de la Faculté de Médecine. Il mourut le 17 novembre 1858, ayant écrit de nombreux mémoires et plusieurs manuels ou traités de pharmacie théorique et pratique qui furent souvent réédités de 1826 à 1857. Ses élèves de l'Ecole de Pharmacie disaient de lui qu'il était soporifique : mais ce n'était qu'une boutade et un hommage : simple moyen de rappeler qu'il avait découvert le chloroforme.

 

Illustration : Eugène Soubeiran

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18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie », paru en 1914

 

C'était en l'an 1727. La population châtelleraudaise se plaignait de ce que Paul Beaupoil et Guillon Pierre,les seuls apothicaires de la ville, vendaient fort cher « drogues et médicaments ». Sur leur refus de recevoir dans leur communauté un troisième confrère, les chirurgiens demandèrent au Lieutenant du Roy de faire subir eux-mêmes les chefs-d'œuvre à un aspirant, attendu « que la ville avait besoin d'un aultre apothicaire, habile, soigneux, en qui l'on pût se fier pour la confection des médicaments ».

 

Boutique-Apothicaire.jpgCet aspirant à la maîtrise était François-Xavier Seuilly qui avait été apprenti chez Beaupoil, de là inscrit à l'Université de Montpellier, puis compagnon chez un apothicaire d'Agen et chez un autre dans l'île de Candie. Il passa ses connaissances et lectures les 18, 25 septembre et 2 octobre devant Joseph Calvin, Alexandre Bobin, et Charles Rasseteau, et son chef-d'œuvre pour être admis définitivement au corps et communauté des Maîtres Apothicaires le 9 octobre 1728.

 

Or, parmi les quatre chefs-d'œuvre qu'il avait à présenter pour montrer qu'il « savait cuire et confire » se trouvait « un ouvraige de cire, confiture et sucre ». Par une fatalité du sort le malheureux Seuilly laissa brûler une de ses préparations. Il tenta d'y remédier et se souvenant que pendant son passage à Candie il avait appris « à berlingoler sucres et confitures, il adjouta en poelons miel, sucres et espritz ». Il présenta ainsi ses tabellae aux juges dont la friandise adoucit l'âpreté officielle et qui « attendu que la ville a besoin de secours, donnèrent à lui Seuilly la main d'association et d'amitié pour par lui jouir des privilèges attribués aux aphothicaires ».

 

Fier de son succès, Seuilly dans son apothicairerie (la vente du sucre étant à cette époque un privilège des apothicaires) vendit pour beaux deniers les « Berlingoles » dont il gardait jalousement le secret. Après lui son fils François continua la confection des tabellae ou Pastilles Seuilly jusqu'au jour ou Paul- Alexandre Gallais ouvrit une boutique de confiseur et rendit célèbres les « Berlingoles ».

 

Plus tard, un nommé Briault eut connaissance de la recette. Il fit des berlingoles à son tour et courut de foire en foire en Guyenne et Gascogne au travers de toute la France. Gallais fit un procès à Briault, qui fut condamné à changer le nom, la forme et le goût. Briault adjoignit au miel, à la mélasse, au sucre, des amandes et de l'huile volatile de menthe et au lieu de gouttelettes solidifiées fit une pâte qu'il coupa au ciseau. Briault mourut et ce fut la fin des Berlingoles de Châtellerault qu'il avait fait connaître dans toute la France.

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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « L'Intransigeant », paru en 1906

 

En 1906, Monsieur Bienvenue, ingénieur en chef du Métropolitain, accorde une interview à un journaliste de l'Intransigeant, et aborde la question de la construction de stations de Métro pour desservir immeubles, music-hall ou tavernes

 

Monsieur Bienvenue quittait la préfecture de la Seine, lorsque, au sortir d'un embarras de voitures, près de la caserne Lobeau, il nous trouva dressé devant lui, rapporte Félix Méténier de l'Instransigeant :

 

– Allons ! s'exclama-t-il, déjà résigné, mais toujours souriant. Je vous vois venir. Une interview, sans doute ?

– On ne peut rien vous cacher !

 

Sans attendre la réponse, M. Bienvenue avait commencé à nous apprendre que le second tronçon de la ligne circulaire Sud venait d'être « reçu par la commission compétente » et il complétait ses explications en ajoutant que la mise en exploitation du métro entre la place d'Italie et le mont d'Austerlitz aurait lieu dans deux ou trois jours au plus tard, lorsque nous l'interrompîmes :

 

– Tout ceci est évidemment intéressant, mais il est un autre sujet dont nous voudrions vous entretenir.

– Et lequel ?

– celui qui touche au projet de M. Antoine, le nouveau directeur du théâtre de l'Odéon. Vous n'ignorez pas sans doute que M. Antoine a l'intention de faire communiquer son théâtre, par un souterrain, avec le Métropolitain ?

– L'idée est amusante !

– Sans doute. Mais la jugez-vous réalisable ?

 

Metro-Opera.jpg

 

En conversant, chemin faisant, nous étions arrivés, rue de Rivoli, dans les bureaux du service technique du métropolitain. M. Bienvenue avait gagné son cabinet de travail et là, penché sur un vaste plan du VIe arrondissement de la capitale, il répondit à notre question :

 

– M. Antoine, sans doute, a songé à relier l'Odéon avec la ligne n°4 du Métropolitain ? – celle que nous construisons en ce moment et qui ira de la porte Clignancourt à la porte d'Orléans, en traversant la Seine au Pont au Change et en desservant le boulevard Saint-Germain jusqu'à la rue de Rennes. – L'idée, je vous le répète, est amusante. Vous me demandez si elle peut être réalisée ? Pourquoi pas ?... à la condition que M. Antoine veuille assumer la charge des frais que nécessitera le percement de la galerie.

– Seront-ils élevés ?

 

L'ingénieur en chef fit un bref calcul.

 

– Nous aurons, reprit-il, une station du Métropolitain boulevard Saint-Germain, sur le terre-plein limité par les statues de Broca et de Danton, entre ce terre-plein et l'Odéon, la distance est exactement de 300 mètres. La galerie reviendrait à cent mille francs !

– Cent mille francs !

– Mais oui. Et c'est là un prix minimum qui pourrait largement être dépassé pour peu que nous nous trouvions en présence de la moindre difficulté de travaux.

 

M. Bienvenue s'amusait de notre étonnement :

– Le directeur de l'Odéon, ajouta-t-il, n'est pas le premier à avoir pensé à relier le Métropolitain à un théâtre. Nous sommes saisis en ce moment, par exemple, d'une demande faite par un directeur de musci-hall et de taverne qui comporte le même objet. Il est probable que satisfaction lui sera donnée comme elle sera vraisemblablement accordée aux directeurs de deux grands magasins de nouveautés qui sollicitent l'autorisation de faire percer une galerie, l'un entre son établissement et la ligne n°3, l'autre entre ses magasins et la ligne n°7.

– N'existe-t-il pas d'autres projets ?

– Pas à ma connaissance, mais il est bien certain qu'un jour ou l'autre l'Opéra, placé à proximité du croisement de trois des plus importantes lignes du réseau, sera relié par une souterrain à la gare du Métropolitain.

– Et si le principe se généralisait ? S'il plaisait à certains propriétaires d'immeubles de réclamer la mise en communication directe avec le Métro ?...

– Rien ne le leur interdirait légalement, toujours à la condition qu'ils consentissent à payer tous les travaux et, de plus, à assumer les frais de surveillance supplémentaire que ne manquerait pas de réclamer la compagnie qui exploite le réseau.

 

Ne désespérons donc pas ! Le temps est proche où les écriteaux alléchants qui nous promettent des appartements pourvus de tout le « confort moderne », avec « eau, gaz, électricité, téléphone et ascenseur à tous les étages » s'augmenteront d'une nouvelle mention : « Station spéciale du Métropolitain ! »

 

Illustration : Opéra et station de Métropolitain

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