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11 décembre 2011 7 11 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Annales de Bretagne », paru en 1925

 

La législation napoléonienne réprimait durement les grèves. La loi du 22 germinal an XI (12 avril 1803), dans son article 7, punissait d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois mois « toute coalition de la part des ouvriers pour cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans certains ateliers, empêcher de s'y rendre et d'y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux ».

 

Premier-Consul.jpgOn comprend qu'en présence de pareilles menaces de la part de l'Etat les ouvriers y regardassent à deux fois avant de recourir à ce procédé de lutte contre les patrons. Aussi les grèves furent-elles rares en France de 1800 à 1814. Il y en eut pourtant, témoin celle qui éclata en Brumaire an XIII (novembre 1804) parmi les ouvriers occupés aux travaux de reconstruction du pont du Gouët, à Saint-Brieuc. Par application de la loi de germinal an XI, le préfet Boullé eut tout de suite recours à la manière forte et voici ce qu'il écrivit à ce propos au commandant de gendarmerie le 15 brumaire an XIII (6 novembre 1804) :

 

« Le commandant de la gendarmerie nationale de ce département fera arrêter de suite et constituer en détention dans la maison d'arrêt de cette commune le nommé Fortin, tailleur de pierre, l'un des ouvriers des ateliers du pont du Gouët comme chef de cabale, instigateur et fauteur de mutinerie. Il enverra une brigade de gendarmerie sur les travaux et la mettra aux ordres de l'Ingénieur en chef de l'arrondissement pour le rétablissement de l'ordre dans les ateliers. Il donnera de suite des ordres tant à la gendarmerie de cette résidence qu'à toutes les brigades du département placées sur la route de l'ancienne Normandie d'arrêter et de conduire à Saint-Brieuc tous les ouvriers du pont du Gouët qui tenteraient de s'évader.

 

« II recevra ultérieurement et fera exécuter de suite toutes les réquisitions et les ordres que la prolongation de l'insubordination, de la mutinerie et de la révolte dans les ateliers pourrait exiger. La brigade envoyée par la police des ateliers recevra, s'il y a lieu, et suivant le règlement qui en sera fait ultérieurement, une indemnité qui sera prise par voie de retenue sur les salaires des ouvriers mutins ».

 

Illustration : Le Premier Consul Napoléon Bonaparte. Détail du tableau du baron Antoine-Jean Gros réalisé en 1802

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10 décembre 2011 6 10 /12 /décembre /2011 17:30

Extrait de « Bibliothèque de l'Ecole des chartes », paru en 1909

 

Conformément au décret de l'Assemblée nationale du 13 octobre 1790, sanctionné le 19, tous les titres que les particuliers, les associations et les établissements de tous genres conservaient depuis des siècles avec un soin religieux furent déposés dans les archives des chefs-lieux de départements.

 

Gaspard-Monge.jpgLe comte de Laborde a rappelé jadis, dans la Revue de Paris du 1er février 1854, comment ces documents, abandonnés à des soins mercenaires, devinrent bientôt la proie de toutes les passions destructives. Les actes transcrits sur parchemin semblaient avoir une chance d'échapper à ce malheureux sort ; mais, dans un moment de folie patriotique, on les employa à la confection de gargousses : c'est par charretées que les archives de l'Etat envoyèrent aux arsenaux de la République les chartes, les ordonnances royales et les documents les plus anciens de notre histoire.

 

Une lettre écrite par Monge, pendant sou passage au ministère de la Marine (10 août 1792 - 10 avril 1793), confirme ces faits et montre que les arsenaux de la Marine, aussi bien que ceux de la Guerre, utilisèrent les chartes les plus vénérables pour servir d'enveloppes aux projectiles de l'artillerie. Beaucoup d'entre elles disparurent probablement dans les ateliers de nos ports.

 

Voici le texte de cette lettre à entête des Ports et Arsenaux et du ministre de la Marine à celui de la Guerre : « Paris, le 23 janvier 1793, l'an 2e de la République. Je vous ai informé, mon cher collègue, de l'étendue des besoins de mon département en parchemins propres à faire des gargousses et combien il serait à désirer que vous fissiez remettre à ma disposition ceux qui peuvent exister sans utilité dans vos bureaux. Comme il est important que je connaisse promptement les ressources en ce genre sur lesquelles je dois compter, afin de prendre des mesures pour parvenir à ce qui manque au complet de l'approvisionnement de nos ports, je vous renouvelle cette demande et vous prie de donner sans délai les ordres nécessaires pour la recherche de ces parchemins et de m'en faire connaître le résultat. MONGE. »

 

Cette lettre constitue un document précis pour l'historien tenté de retracer les vicissitudes par lesquelles ont passé les parchemins de nos archives.

 

Illustration : Gaspard Monge. Peinture d'Elzidor Naigeon réalisée en 1842

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9 décembre 2011 5 09 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Gazette anecdotique littéraire, artistique et bibliographique », paru en 1888

 

En 1888, Paul Forestier, du Voltaire, voulut prendre ses renseignements aux bonnes sources concernant le premier jour de la semaine. Il consulta successivement Larousse, l'Académie et Littré, et tous les trois furent unanimes pour lui indiquer le dimanche comme étant ce premier jour.

 

Malgré cette triple et écrasante autorité, il semble incompréhensible que la question puisse être posée, et surtout qu'elle puisse être résolue dans ce sens, rétorque la Gazette anecdotique. Les jours de la semaine correspondent, on le sait, aux journées de la création du monde, et la Bible, après avoir énuméré ces journées, au nombre de six, ajoute : « Dieu, ayant terminé son œuvre, se reposa le septième jour... Et il bénit ce septième jour, et il le sanctifia, parce que c'était en ce jour qu'il s'était reposé de son œuvre de la création. »

 

Repos-Dimanche.jpg

 

Or le dimanche étant le jour du Seigneur (dies dominica), et le repos ne pouvant pas se placer avant le travail, il s'ensuit forcément que ce jour est le dernier de la semaine, en dépit de l'Académie, de Littré, de Larousse, et de tous autres qui voudraient soutenir leur erreur.

 

Encore défini par la septième édition (1878) du Dictionnaire de l’Académie française comme le premier jour de la semaine, le dimanche devenait le dernier dans la huitième (1932). La neuvième édition, en cours de publication, indique : « Traditionnellement, et aujourd’hui encore dans la langue religieuse, premier jour de la semaine qui commémore la résurrection du Christ ; il comportait aussi la prescription du repos. Dans la langue courante, septième et dernier jour de la semaine. »

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8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Touche-à-Tout », paru en 1904

 

La revue hebdomadaire Touche-à-Tout relate cette disparition dans son numéro du 25 septembre 1904. Il existait donc un pont à péage sur la Seine ?... Au début du XXe siècle ?

 

Mais oui : de Colombes à Argenteuil. Et si l'on n'était pas encore parvenu à faire disparaître cette anomalie, c'est que le pont avait un pied, si on peut dire ainsi, sur le département de Seine-et-Oise (supprimé le 1er janvier 1968 et réparti entre les départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) et l'autre dans le département de la Seine (supprimé le 1er janvier 1968 et réparti entre les départements des Yvelines, de l'Essonne et du Val-d'Oise) ; et les administrations des deux départements n'étaient pas encore arrivées à se mettre d'accord sur le rachat du droit de péage.

 

Pont-Argenteuil.jpg

 

Etonnez-vous, après cela, que des peuples étrangers aient quelquefois des difficultés ! Mais enfin, l'accord vient de se faire, et bientôt, vous pourrez passer sur le pont de Colombes à Argenteuil, sans tirer votre petit sou de votre poche.

 

Illustration : Le pont sur la Seine à Argenteuil, par Claude Monet (1874)

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6 décembre 2011 2 06 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Nouvelles récréations littéraires et historiques », paru en 1921

 

Un historien et critique d'art, nouvelliste à l'occasion, Henry de Chennevières, se créa au XIXe siècle spécialité de ne jamais employer les qui, les que, lequel, dont, et autres pronoms relatifs qui n'effrayaient pas Brunetière, au contraire. Il leur déclare une « guerre à mort ». La mort des qui et des que, Déclaration de guerre, c'est le titre de la préface de ses Contes sans qui ni que (1886). Ainsi qu'il le dit dans une note de cette préface, il avait déjà publié à cette époque quatre in-folio « désinfectés » de qui et consacrés aux Dessins du Louvre. D'autres volumes du même auteur parus depuis, comme Les Tiepolo (1898), présentent également cette particularité, de ne contenir ni qui ni que.

 

FrançaisAntérieurement, en 1883, lors de la publication de ses Dessins du Louvre, le journal Le Voltaire  ayant relevé, comme curiosité littéraire, cette absence de pronoms relatifs, Henry de Chennevières adressa à ce journal une lettre où, comme dans la susdite préface, il expose les motifs – plus imaginaires que réels : alourdissement de la phrase, discordance de sons, etc., – de son aversion pour les qui et les que :

 

« J'ai, écrit-il, juré haine aux qui et aux que, ces lourds conjonctifs de la syntaxe. Cette guerre à toute outrance contre de paisibles pronoms trouble l'économie de la langue et le mécanisme ordinaire des phrases ; mais elle éclaircit la pensée, elle allège la période, elle suspend les longueurs. Depuis quatre siècles, l'horrible qui tyrannise les lettres françaises, il infeste les meilleurs écrivains... Le qu'il mourût du vieux Corneille ne me persuade pas... », etc.

 

Cet éloquent cri du cœur, tout précédé qu'il est d'un que, ce superbe qu'il mourût de Corneille, était bien fait cependant pour convaincre Henry de Chennevières de l'inanité de sa campagne. La lutte n'était pas nouvelle, d'ailleurs ; elle a eu, sinon contre les qui et les que, plus d'un précédent ; et, à diverses époques d'autres mots de notre langue ont été pareillement en butte à des tentatives d'ostracisme. « Que ferons-nous, messieurs, de car et de pourquoi ? » demande le poète et romancier Gomberville (1600-1674) dans la comédie Les Académiciens de Saint-Évremond (Œuvres choisies de Saint-Évremond). Dans ses Femmes savantes, Molière parle aussi des « proscriptions de tous ces mots divers, dont nous voulons purger et la prose et les vers. »

 

Et ce projet, « dont Saint-Évremond et Ménage s'étaient déjà moqués, ce ridicule projet de bannir de la langue les mots les plus utiles, comme car, encore, néanmoins, pourquoi, etc., plusieurs académiciens l'avaient conçu » (Note des Œuvres complètes de Molière, édition variorum Charles Louandre, t. III). Car surtout a subi, au dix-septième siècle, de terribles assauts et, selon la remarque de La Bruyère (Les Caractères, De quelques usages), « s'il n'eût trouvé de la protection parmi les gens polis, n'était-il pas banni honteusement d'une langue à qui il a rendu de si longs services, sans qu'on sût quel mot lui substituer ? »

 

La lettre de Vincent Voiture à Mlle de Rambouillet, relative à la conjonction car, et où il prévoit qu'après l'exclusion de ce petit mot, on tentera de vouer d'autres termes au même sort, est demeurée célèbre dans notre histoire littéraire : « Je ne sais pour quel intérêt ils (ces puristes) tâchent d'ôter à Car ce qui lui appartient pour le donner à Pour-ce que, ni pourquoi ils veulent dire avec trois mots ce qu'ils peuvent dire avec trois lettres. Ce qui est le plus à craindre, mademoiselle, c'est qu'après cette injustice on en entreprendra d'autres ; on ne fera point de difficulté d'attaquer Mais, et je ne sais si Si demeurera en sûreté : de sorte qu'après nous avoir ôté toutes les paroles qui lient les autres, les beaux esprits nous voudront réduire au langage des anges, ou, si cela ne se peut, ils nous obligeront au moins à ne parler que par signes. » (Vincent Voiture, Lettres, t. I)

 

Dans le numéro du 17 janvier 1920 du journal La Renaissance, Théodore Reinach avertit que « notre vocabulaire est si pauvre déjà qu'il n'y a pas lieu de l'appauvrir davantage ».

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5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Le Pêle-Mêle », paru en 1912

 

La Revue Britannique donne d'intéressantes nouvelles sur de curieux essais de pavage venant d'être tentés à Londres vers 1912. Il s'agit de pavés en... caoutchouc ! Et s'il faut en croire notre confrère anglais, ils représentent le pavage rêvé, le pavage de l'avenir, car il est tout à la fois doux, élastique, solide et d'un nettoyage pratique, supprimant à la fois le bruit, la boue et la poussière.

 

Rue-Pavee.jpgLe seul inconvénient de ce pavage est son prix de revient assez élevé, soit environ cinq francs le kilogramme. Mais à cette objection, l'inventeur répond en prétendant que son pavé en caoutchouc dure vingt fois plus longtemps que son frère inférieur l'humble pave de bois. Il cite un essai de pavage en caoutchouc qui fut tenté vers 1890 à la gare d'Easton. Les pavés mis en usage pour cet essai n'ont perdu en vingt ans, par usure, qu'un centimètre et demi d'épaisseur, soit à peine trois quarts de millimètres annuellement.

 

Il n'est pas sans intérêt de citer à ce propos, les divers matériaux qui servirent successivement et à diverses époques pour la confection des pavés. Ce sont : la pierre, la terre battue, la maçonnerie, le béton, la brique, le bois, l'acier, le verre... Des essais furent aussi tentés avec un amalgame de tourbe comprimée, de liège et d'herbe. Un autre système de pavage en herbe consistait à employer des algues marines séchées et amalgamées avec du goudron.

 

Enfin, un système encore plus original que les précédents

fut celui inauguré au début du XXe siècle à Clino (Californie). Il s'agissait ni plus ni moins que d'un pavage au sucre ! La fondation du pavage était constituée avec du sable et de la mélasse. Les pavés posés dessus étaient en mortier moulé mélangé de sucre. On ne dit pas si les enfants de Clino, cédant à leur gourmandise naturelle, ne léchaient pas, entre deux parties de billes, ce pavage sucré !

 

Les médecins consultés sur le pavage en caoutchouc, prétendent que le système nerveux des Londoniens ne pouvait qu'y gagner, tout ébranlements par le fait de l'élasticité naturelle de la matière employée, étant supprimé. Les effets pernicieux du coup de talon disparaîtraient et puis, ce qui ne ferait pas sourire les cordonniers, les chaussures verraient leur durée quintuplée. Bénissons donc la venue du pavé de caoutchouc et souhaitons-lui d'être adopté dans toutes nos grandes villes.

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4 décembre 2011 7 04 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « La Lanterne magique », paru en janvier 1834

 

Le succès de la greffe animale, opération singulière pratiquée plusieurs fois par Guillaume Dupuytren (1777-1835) et plusieurs autres chirurgiens, fut tel que quelques-uns allèrent jusqu'à penser qu'il n'était pas impossible de faire reprendre la tête sur le cou d'un guillotiné. On appuyait cette opinion, aujourd'hui reconnue comme chimérique, sur le fait d'un médecin anglais, W. Balfour, qui réussit en 1814 à rejoindre la moitié du doigt de George Pedie, charpentier, coupé d'un coup de hache.

Greffe-AnimaleIl fit ramasser à terre le morceau de doigt, lava avec de l'eau froide les deux surfaces blessées, et ensuite les appliqua l'une contre l'autre exactement. Trois semaines après, la réunion était complète. Le doigt avait repris toute sa chaleur et sa sensibilité. Ce cas fit l'objet d'un Mémoire publié alors dans le Journal de médecine et de chirurgie d'Edimbourg, repris l'année suivante dans la Bibliothèque britannique.

Le botaniste et agronome Henri-Louis Duhamel du Monceau (1700-1782) et d'autres avaient transplanté un ou deux ergots d'un coq sur la crête d'un autre, où ils ont acquis la longueur de quatre à cinq pouces. On avait encore greffé sur la crête d'un coq, rapporte au mot plaie l'homme de lettres Charles Pougens (1755-1833), l'aile d'un serin, et une portion de la queue d'un petit chat, qui s'y étaient très bien maintenues. Joseph Baronio et autres ont coupé un morceau de la chair d'un animal et ont greffé avec succès à la place un morceau d'un autre animal.

On ne se moque plus du chirurgien breton Jacques de Garengeot (1688-1759) qui atteste qu'en 1724, un nez arraché avec les dents, jeté à terre, foulé aux pieds, nettoyé ensuite et réchauffé, fut remis en place et bien cicatrisé au bout de quatre jours. Dès l'année 1442, un chirurgien de Sicile, nommé Branca, exécutait des nez artificiels par une greffe animale.

 

Illustration : "Greffe animale", par Benjamin Rabier (1910)

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3 décembre 2011 6 03 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « La Chronique médicale », paru en 1897

 

Si l'on ne présente plus la figure du romantisme, le dramaturge, poète et académicien Alfred de Vigny, l'homme politique est moins connu. Candidat à la députation du département de la Charente aux élections législatives d'avril 1848, il ne cache pas, dans une profession de foi rédigée pour les électeurs et dont nous donnons ici l'intégralité, sa foi en la IIe République proclamée le 25 février précédent :

 

Vigny-copie-1.jpg« C'est pour moi  un devoir de répondre à ceux de mes compatriotes de la Charente qui ont bien voulu m'appeler à la candidature par leurs lettres et m'exprimer des sentiments de sympathie dont je suis profondément touché. La France appelle à l'Assemblée Constituante des hommes nouveaux. Ce sentiment est juste après une révolution plus sociale que politique, et qui a enseveli dans les débris les catégories haineuses des anciens partis.

 

« Mais les hommes nouveaux qu'il lui faut ne sont-ils pas ceux que des travaux constants et difficiles ont préparé à la discussion des affaires publiques et de la vie politique? Ceux qui se sont tenus en réserve dans leur retraite sont pareils à des combattants dont le corps d'armée n'a pas encore donné. Ce sont là aussi des hommes nouveaux, et je suis de ceux-là.

 

« Chaque révolution après sa tempête laisse des germes de progrès, dans la terre qu'elle a remué et, après chaque épreuve, l'Humanité s'écrie : Aujourd'hui vaut mieux qu'hier, demain vaudra mieux qu'aujourd'hui. Je me présente à l'élection sans détourner la tête pour regarder le passé, occupé seulement de l'avenir de la France. Mais, si mes concitoyens veulent rechercher dans les années écoulées pour voir ma vie, ils y trouveront une indépendance entière, calme, persévérante, inflexible ; seize ans de cette vie consacrés au plus rude des services de l'armée, tout le reste donné aux travaux des lettres, chaque nuit vouée aux grandes études.

 

« Existence sévère, dégagée des entraves et des intrigues de partis. J'ai ce bonheur, acquis avec effort, conservé avec courage, de ne rien devoir à aucun gouvernement, n'en ayant ni recherché, ni accepté aucune faveur. Aussi ai-je souvent éprouvé combien cette indépendance de caractère et d'esprit est plus en ombrage au pouvoir que l'opposition même. La raison en est celle-ci : les pouvoirs absolus ou qui prétendent à le devenir peuvent espérer corrompre ou renverser un adversaire, mais ils n'ont aucun espoir de fléchir un juge libre, qui n'a pour eux ni amour ni haine. Si la République sait se comprendre elle-même, elle saura le prix des hommes qui pensent et agissent selon ce que je viens de dire. Elle n'aura jamais à craindre d'eux, puisqu'elle doit être le gouvernement de tous par chacun et de chacun pour tous.

 

« Ainsi conçu, ce mâle gouvernement est le plus beau. J'apporte à sa fondation ma part de travaux dans la mesure de mes forces. Quand la France est debout, qui pourrait s'asseoir pour méditer ? Lorsque l'Assemblée nationale, dans de libres délibérations, aura confirmé, au nom de la France, la République déclarée, efforçons-nous de la former à l'image des Républiques sages, pacifiques et heureuses, qui ont su respecter la Propriété, la Famille, l'Intelligence, le Travail et le Malheur ; où le gouvernement est modeste, probe, laborieux, économe ; ne pèse pas sur la nation , pressent, devine ses voeux et ses besoins, seconde ses larges développements et la laisse librement vivre et s'épanouir dans toute sa puissance.

 

« Je n'irai point, chers concitoyens, vous demander vos voix. Je ne reviendrai visiter au milieu de vous cette belle Charente qu'après que votre arrêt aura été rendu. Dans ma pensée, le peuple est un souverain juge qui ne doit pas se laisser approcher par les solliciteurs et qu'il faut assez respecter pour ne point tenter de l'entraîner ou de le séduire. Il doit donner à chacun selon ses oeuvres. Ma vie et mes oeuvres sont devant vous. »

 

Non élu, Alfred de Vigny se présenta également aux élections de l'année suivante, sans succès.

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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 17:00

D'après « L'Intransigeant », paru en 1923

 

De 1919 à 1940, des propositions de loi en faveur du vote des femmes sont adoptées, mais refusées par le Sénat. Le 22 novembre 1922, ce dernier avait, sur cette question du vote des femmes, refusé par 156 voix contre 134, de passer à la discussion des articles, les intentions de la Haute Assemblée étant nettes : l'enterrement. Quelques mois plus tard, Joseph Barthélemy, député du Gers qui en est rapporteur, remet à l'ordre du jour la question devant le Parlement. Ne pouvant soumettre de nouveau, en vertu de l'article 110 de la Chambre, des propositions identiques rejetées quelques mois plus tôt par le Sénat, il suggéra de fixer à trente ans l'âge de l'accession des femmes aux droits politiques.

 

Vote-Femmes.jpgIl rétorqua en outre aux détracteurs du projet : « Voyons maintenant les objections qui ont été formulées. On a dit que les femmes ne désiraient pas le vote et qu'elles en négligeraient l'exercice Mais, en 1848, les hommes non plus ne désiraient par le vote, on le leur a donné par justice.

 

« On dit encore que la femme serait inférieure. La femme n'est pas inférieure, elle est seulement différente et complémentaire. La vérité, qu'il faut bien reconnaître, c'est que le génie, dans ses manifestations les plus sublimes, est le privilège du sexe masculin. Mais le génie n'est pas nécessaire pour voter, ni même pour être élu ! Tout cela ne tient pas. Toutes ces objections sont fantaisistes. Il en est de même quand on dit que la femme admise aux droits politiques émettrait des votes extrémistes ou réactionnaires. C'est là une pure affirmation contredite par l'expérience.

 

« On objecte aussi : La femme ne fait pas de service militaire. Sans doute, elle n'est pas soldat, mais elle fait des soldats, et pour celles qui n'ont pas d'enfant, combien parmi les électeurs et même les élus n'ont pas fait de service militaire ! Enfin, le grand argument, c'est : la femme est faite pour le foyer ! C'est bien notre avis, mais ce n'est pas la participation aux comices qui éloignera la femme de son foyer, elle n'en sera pas plus éloignée que par sa participation à un marché ou à une foire, et puis enfin les conditions actuelles ont jeté dans la lutte pour la vie des milliers de femmes, il est juste qu'elles puissent défendre leurs intérêts tant par leurs bulletins de vote qu'au sein des assemblées politiques. »

 

Le député Barthélemy songea un instant, puis reprit : « Ce qu'il faut surtout que l'on sache, c'est le fait que la France tend à devenir une exception en restant masculine. » Et de rappeler qu' « en Europe, les pays masculins sont une exception qui se rétrécit chaque année davantage. Les femmes votent en Suède, en Norvège, au Danemark, en Finlande, en Estonie, en Lituanie, en Lettonie, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Autriche, en Allemagne, en Hongrie, en Belgique ; elles participent aux élections locales et un certain nombre d'entre elles aux élections législatives. »

 

En France, le droit de vote sera accordé aux femmes le 21 avril 1944 par le Comité français de la Libération nationale, et mis en oeuvre pour la première fois le 29 avril 1945 lors d'élections municipales, puis en octobre 1945 lors des élections à l’Assemblée constituante.

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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 17:30

D'après « Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres », paru en1892

 

Le druidisme fut hostile à l'anthropomorphisme, ce qui explique pourquoi les premières statues de dieux ne paraissent en gaule qu'à l'époque de la domination romaine (après 51 av. J.-C.).

 

En 1931, Salomon Reinach, archéologue et spécialiste de l'histoire des religions, rapporte qu'après l'efflorescence de l'art en Gaule, à l'époque du renne, nous trouvons une longue période, depuis l'ère des monuments mégalithiques jusqu'à la conquête romaine, où les sculptures font entièrement défaut. Les passages de César et de Lucain qu'on a allégués pour prouver que les Gaulois représentaient leurs dieux en pierre et en bois doivent être interprétés autrement : il s'agit, pour le premier, de piliers de pierre, et, dans le second, de troncs d'arbres plus ou moins équarris.

 

Pilier-Nautes.jpg

 

Comme l'industrie gauloise était fort avancée, on est obligé d'attribuer l'absence de statues en Gaule à une interdiction religieuse. Cette prohibition, que l'on retrouve chez les Romains, les Germains et les Perses, ne peut guère avoir été mise en vigueur que par une aristocratie religieuse. En Gaule, cette aristocratie est le collège des druides, à l'influence desquels on attribue les monuments mégalithiques (dolmens, menhirs, etc.). Ces derniers ne sont pourtant pas celtiques : c'est que le druidisme, dans l'Europe occidentale, est antérieur aux Celtes, qui ont accepté en partie la religion druidique, comme les Grecs ont adopté les vieux cultes des Pélasges.

 

L'aversion du druidisme pour les représentations des dieux n'est attestée par aucun texte formel ; mais Plutarque dit que Numa, élève de Pythagore, défendit aux Romains d'élever des statues, et d'autres écrivains font de Pythagore l'élève des druides. Ce sont là des légendes qui, bien que sans autorité en elles-mêmes, attestent nettement l'affinité des doctrines.

 

Illustration : Pilier des Nautes, le dieu Cernunnos (Ier siècle ap. J.-C.)

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